Remise en contexte, à la suite des décisions de l’Académie nationale de médecine et de la Société française de pédiatrie concernant l’ostéopathie pédiatrique.

Hertz Benjamin

6/2/2025

L’article publié par Le Monde sous le titre « L’ostéopathie pour les nourrissons, une pratique jugée “au mieux inutile” par des professionnels de santé » a ravivé un débat de fond sur la place de l’ostéopathie dans la prise en charge des tout-petits. En tant qu’ostéopathe formé à la pédiatrie et exerçant dans une logique de complémentarité avec la médecine conventionnelle, il me semble important d’apporter un éclairage nuancé, à la fois critique et constructif.

Les critiques : un appel à la rigueur scientifique

L'Académie nationale de médecine a récemment exprimé des réserves concernant l'ostéopathie pédiatrique, notamment les techniques dites "crâniennes" et "viscérales". Elle souligne un manque de preuves scientifiques solides quant à leur efficacité et leur sécurité, et met en garde contre des pratiques potentiellement coûteuses et non remboursées par l'Assurance maladie.

Ces critiques ne doivent pas être ignorées. Elles rappellent l'importance d'une évaluation rigoureuse des interventions thérapeutiques, surtout lorsqu'elles concernent des populations vulnérables comme les nourrissons. Il est essentiel que notre profession s'engage dans des recherches de qualité pour valider scientifiquement nos approches.

Ce que l’article omet : l’incompatibilité actuelle entre les critères d’évaluation médicale et les réalités de l’ostéopathie

Les pratiques manuelles comme l’ostéopathie posent un vrai défi méthodologique à la recherche clinique. L’approche individualisée, l’absence d’un protocole standardisé d’une séance à l’autre, l’influence de la relation thérapeutique, ou encore l’impossibilité d’un “groupe placebo” pertinent rendent l’expérimentation classique — de type double aveugle randomisé — difficile à appliquer.

Ce n’est pas une excuse, c’est un fait.

Cela ne signifie pas que l’ostéopathie échappe à toute évaluation, mais que les outils d’analyse doivent être adaptés à la réalité du terrain. Des progrès sont en cours dans ce domaine : développement d’indicateurs de suivi, études de cohorte en vie réelle, travaux qualitatifs sur l’expérience des parents… mais ils peinent encore à être considérés comme légitimes par les standards biomédicaux dominants.

L'ostéopathie pédiatrique : une pratique encadrée et complémentaire

Il est important de préciser que l'ostéopathie pédiatrique, lorsqu'elle est pratiquée par des professionnels formés spécifiquement à la prise en charge des nourrissons, s'inscrit dans une démarche complémentaire à la médecine conventionnelle. Elle ne prétend pas se substituer aux soins médicaux, mais vise à accompagner le développement harmonieux de l'enfant en travaillant sur les tensions et déséquilibres pouvant résulter de la naissance ou de la croissance.

Des organisations professionnelles, telles que la Société Européenne de Recherche en Ostéopathie Périnatale et Pédiatrique (SEROPP), ont établi des recommandations de bonnes pratiques pour encadrer ces interventions . Ces directives insistent sur la nécessité d'une formation spécifique et d'une collaboration étroite avec les professionnels de santé.

Ce que nous devons reconnaître : tout n’est pas à défendre

Il serait malhonnête de nier que certaines pratiques dites « ostéopathiques », notamment dans le champ pédiatrique, ont parfois été réalisées sans cadre clair, ni indication justifiée. Des gestes inadaptés, un excès de promesses, ou une posture d’exclusivité vis-à-vis du parcours médical peuvent nuire à la crédibilité de notre profession.

Il appartient aux ostéopathes eux-mêmes d’y mettre un terme.

C’est pourquoi la formation continue, l’encadrement des pratiques, la communication claire sur les indications et les limites de notre champ d’intervention sont indispensables.

Ce que les parents doivent savoir : un soin complémentaire, jamais exclusif

L’ostéopathie pédiatrique ne remplace en aucun cas un suivi médical. Elle ne soigne pas des pathologies, mais peut accompagner un bébé dans son développement lorsque certaines tensions, mécaniques ou posturales, sont présentes. Naissances difficiles, torticolis, troubles de la succion, inconfort digestif… sont autant de motifs d’inquiétude pour les parents, qui peuvent parfois trouver dans une approche douce et adaptée un apaisement pour leur enfant.

Il ne s’agit pas d’opposer médecine et ostéopathie, mais de permettre un travail coordonné, en toute transparence avec les parents, le pédiatre, le médecin généraliste ou la sage-femme.

Ce que nous appelons de nos vœux : plus de recherche, mais autrement

Oui, nous avons besoin de recherche. Oui, nous devons démontrer ce que nous faisons. Mais pas en calquant aveuglément des modèles d’évaluation qui n’ont pas été pensés pour les soins individualisés, relationnels et non médicamenteux.

La solution ne réside pas dans le rejet ou la suspicion systématique, mais dans la création d’un dialogue entre sciences médicales, sciences humaines et pratiques de terrain.

Conclusion : une pratique à encadrer, non à écarter

L'ostéopathie pédiatrique, bien que critiquée pour son manque de validation scientifique, offre des perspectives intéressantes lorsqu'elle est pratiquée avec compétence et dans le respect des recommandations professionnelles. Plutôt que de la rejeter en bloc, il serait plus constructif de l'encadrer davantage, de promouvoir la recherche et de favoriser une approche pluridisciplinaire au service du bien-être des nourrissons.

En tant qu'ostéopathe engagé, je reste à l'écoute des avancées scientifiques et des recommandations des instances de santé, tout en continuant à offrir des soins attentifs et adaptés aux besoins spécifiques de chaque enfant.